A croire que les "Bêtes" me suivent, ou que, inconsciemment, c'est moi qui me met sur leur chemin. Entre bêtes, on se comprend... Toujours est-il qu'ici, dans ce magnifique Val de Loire, sur les bords du dernier fleuve sauvage de France, où j'ai élu domicile, j'ai retrouvé la trace d'une créature qui défraya la chronique entre 1742 et 1754. Moins connue que sa congénère du Gévaudan, qui officiera dix années plus tard, la Bête du Val de Loire sera pourtant bien plus meurtrière. En effet, si l'on impute, plus ou moins officiellement, une centaine de morts à la Bête du Gévaudan, celle du Val de Loire sera nettement plus efficace avec plus du double de victimes. De Tours à Blois, de Vendôme à Montrichard, pendant douze ans, la Bête du Val de Loire va ensanglanter les champs et les forêts et terroriser la population.
Là aussi, les loups sont mis rapidement hors de cause. Ici, comme en Gévaudan, les loups préfèrent le mouton, l'agneau ou la brebis, au berger ou à la bergère.
Alors quoi? Les prêtres qui officient lors des funérailles et qui dressent acte de sépulture parlent de "mauvaise beste", "beste etrangère". Mais sur cette "mauvaise beste" rien de plus. Les témoins parlent de bête "faite comme un loup".
Les battues ne donnent rien. La Louveterie Royale interviendra mais sans succès. Des loups seront détruits, mais en pure perte. Bis repetita placent, diraient les latinistes distingués, à savoir, en gros, que les répétitions plaisent toujours, voilà une répétition de l'affaire de la Bête du Gévaudan. En effet l'on y retrouve un certain nombre de caractéristiques communes: les victimes, le mode opératoire, les descriptions. Et un personnage. A la lecture de l'excellent livre de Frederic Gaultier, chez Alan Sutton, un nom m'a heurté, celui du délégué général de la province. Son nom: le Comte de Saint Florentin, qui présidera aux destinées de la province du Gévaudan, dix ans après la mort de la Bête du Val de Loire. Il n'y a sans doute rien à voir, mais je ne lasse pas de m'interroger sur la présence de cet homme, sur deux affaires de "bestes qui mangeaient les chrestiens", dans deux des belles provinces de ce pays de France, à dix ans d'intervalle entre la fin d'une affaire et le début d'une autre. Surtout que le cadavre de la Bete du Val de Loire ne sera jamais retouvé. Tout ce que l'on sait, c'est que les attaques cessent un beau jour de 1754. Alors? Et bien là aussi mystère total. Sans doute le Comte de Saint Florentin n'a t-il rien à voir dans ces deux affaires hormis le hasard des affectations, sans doute m'interrogé-je trop, mais quand même... Là aussi, en saura t-on un jour davantage?
Derek
Sujet: Une autre "Bête" 
